Mais d’où viennent les chiffres que l’on fait circuler, sans démonstration ni preuve ? AM
Avec 30 % des terres, disent certains militants et prétendus experts, les petits paysans ils fourniraient 60 à 70 % des aliments. Et donc, si on leur donnait 70 % des terres, le problème alimentaire mondial serait résolu !
Ces chiffres sont répétés sans aucune indication de source et encore moins de vérification. Le Web déborde de ce type de répétitions, dans des prises de positions ouvertes, ou couvertes, d’organisations diverses, surtout dites de défense de petits producteurs, le tout pour dénigrer l’agriculture dite industrielle ou pour justifier des revendications de réformes agraires et de redistributions de terres – dont on peut admettre que celles-ci sont souvent justifiées d’un point de vue social.
Ce sont des chiffres qui doivent surtout prouver l’inefficacité globale de l’agriculture dite industrielle, celle à plus grandes surfaces. Toujours sans indication de l’origine des chiffres qu’on assène comme des vérités acquises.
Des recherches effectuées en Suisse ont voulu vérifier leur origine. Elles ont identifié une première provenance dans une publication d’une ONG en 2009, ETC Group, qui dénonce surtout la production industrielle d’aliments, et qui célèbre l’efficacité du réseau mondial de petites exploitations agricoles.
Dans une brochure elle dit qu’au moins 70 % des aliments mondiaux sont produits par des petits paysans. Comme source, elle indique elle-même le service de développement EED, de l’église évangélique allemande, et une brochure de celle-ci datant de 2008. ETC finit même par affirmer que 80 % de la surface agricole mondiale sont contrôlées par les petits paysans, ce qui ne colle absolument plus avec le faible taux d’occupation des terres agricoles retenu précédemment !
Mais on trouve dans cette brochure une autre indication de source. Elle est dans une interview de l’opposant aux OGM Antonio Ignacio Andrioli, qui dit que 70 % des aliments sont produits au Brésil par des fermes familiales, lui aussi sans preuves ni indications de sources. Et d’une déclaration brésilienne, sans justification, on est arrivé à une affirmation quasi-sûre, répandue dans le monde, concernant la signification de la petite agriculture.
Le chercheur canadien Vincent Ricciardi et ses collègues de University of Columbia se sont mis à analyser, pour 55 pays dans le monde, les chiffres sur les tailles d’exploitations et leurs productivités ainsi que leurs systèmes de culture pour 154 plantes. Ils ont installé une banque de données « open-source », et pensent avoir analysé déjà plus de la moitié de la surface agricole terrestre. Ils ont trouvé que les petites exploitations jusqu’à 2 ha, produisent de 20 à 30 % des aliments mondiaux avec une surface de 24 % du total de la SAU. Ce qui signifierait qu’ils sont un peu plus productifs à l’hectare que la moyenne des exploitations. Les travaux sur ces exploitations sont plus intensifs, avec des rendements élevés, et peu de pertes de récoltes.
Les grandes exploitations, de plus de 50 ha, jouent un beaucoup plus important et produisent 66 % de l’alimentation mondiale.
La production d’aliments en l’état est plus grande dans les petites exploitations que dans les exploitations plus importantes qui produisent plus d’aliments pour le bétail et des productions pour la transformation alimentaire et industrielle. Les petites exploitations produisent surtout des fruits, des lentilles, des racines etc.
Les auteurs soulignent, dans l’état actuel de leurs recherches, l’importance de la variabilité dans la taille des exploitations mondiales. Les petites exploitations jouent surtout un rôle social, mais on ne peut pas prétendre que leur généralisation pourrait fournir l’alimentation mondiale.
Où il est démontré que les « fake-news » (en français : les bobards) nous entrainent à enfoncer de nouveau des portes que l’on croyait ouvertes depuis longtemps, ouvertes en général sur une vaste ignorance et de tristes idéologies.