Info ou intox ? Les Russes ne cessent d’aligner les bonnes nouvelles et les vastes perspectives pour leur agriculture.
On reste nénanmoins encore un peu sceptique, car on avait a déjà entendu ça, naguère, pour les céréales. Pourtant, cette fois, ça parait mieux documenté.Pendant des années, la Russie fut un marché de pays tiers important pour la viande de porcs européenne. Mais aujourd’hui, et particulièrement depuis l’embargo, aucun autre pays ne montre un développement aussi rapide de la production porcine que la Russie.Malgré la situation économique difficile, et malgré la peste porcine africaine, la production a augmenté ces 5 dernières années de +800 000 t, soit de +24 %. Les importations russes de viandes porcines ont chuté en 5 ans à 25% seulement de ce qu’elles étaient. Avec un recul de la demande intérieure, le taux d’autosuffisance approche les 100 %.
L’Etat russe, mais aussi des investisseurs russes et étrangers en sont les principaux moteurs. Leurs actions sont renforcées par la dévaluation du rouble qui renchérit les importations.
L’une des grands producteurs russes est la société Miratorg qui représente 12 % du marché du porc. Cette entreprise a produit l’an passé plus de 300 000 t de viande avec plus de 3 mio de porcs abattus. Elle ne cesse de se développer et veut d’ici 2020 multiplier par 10 les exportations. Cet Agro-holding occupe la 3ème place en 2015 dans la production de produits carnés avec 438 900 t (bœuf, porc, volaille, 600 000 t en prévision 2016) après Tcherkizovo (601 700 t) et Prioskolie (526 600 t)
Le groupe Rusagro est passé depuis 2012 de 70 000 t en vif à 200 000 t, soit presqu’un triplement. Rusagro est passée de 3,2 % du marché à 5,3 %. Mais dernièrement un élevage de 15 000 porcs a été touché par la peste porcine, et les porcs ont dû être abattus. C’était le premier cas dans la région de Belgorod qui concentre 25 % de la production porcine russe.
Derrière ces deux grands suivent d’autres intégrateurs de la production porcine : Cherzikovo, Agro-Belogorie, Velikoluksky etc. Tönnies monte un groupe intégré d’une capacité qui doit atteindre 1,04 mio porcs par an (cultures, usine d’aliment du bétail, abattoir, porcheries, etc.)
Toutes ces entreprises ont des projets importants de croissance. Elles suivent toutes le même modèle d’intégration : des porcheries de construction simple, avec de la technique intérieure solide, souvent livrée par des entreprises allemandes, hollandaises, ou danoises, qui fournissent aussi le savoir-faire. La génétique occidentale est largement utilisée, ce qui réduit les écarts de compétitivité avec l’Ouest.
Les couts de production sont plus faibles en Russie qu’en UE. Les groupes intégrés russes ont tous le marché asiatique en ligne de mire, surtout pour les nouvelles implantations en Extrême Orient russe.
Dans cette perspective du marché mondial, on commence à discuter (un peu) d’antibiotiques, mais le bien-être animal n’est pas à l’ordre du jour. La peste porcine africaine est en revanche une vraie préoccupation, dans un pays où on trouve à la fois beaucoup d’élevages de survie, d’immenses étendues quasiment vides, et une concentration porcine extreme dans certaines zones, ce qui rend la maitrise de cette épizootie difficile.
Tönnies en Russie
Pour les pays européens, les perspectives d’exportation se réduisent. Même si les sanctions et l’embargo étaient levés, la Russie ne serait plus guère tributaire d’importations venant d’Europe, importations qui soutenaient dans le passé les prix européens. Les Brésiliens sont condamnés également à trouver d’autres marchés. Il faut y ajouter un développement constant de la production dans d’autres pays, notamment aux USA. Tout se concentre sur les marchés asiatiques.
En UE des questions se posent d’ores et déjà sur l’orientation future de la production porcine européenne. Celle-ci ne fera pas l’économie d’une certaine réévaluation de thèmes connus : quantité, qualité, transformation, sécurité, traçabilité, bien-être animal…