tonnies poutineLe géant allemand de la viande (CA 6,7 Mdrs €) se sépare de l’ensemble de sa production porcine russe. APK Don, la filiale russe du groupe allemand, tombera à la fin de cette année dans le giron du concurrent Charoen Pokphand Foods (CP Foods). Un groupe qui a son siège central en Thaïlande, et qui est classé 9e parmi les producteurs de porcs en Russie, avec une production de 129 000 t de viandes porcines. C’est une entreprise considérée comme moderne dans la branche viandes russes, mais sans filière de transformation, ce qui la rend plus sensible aux variations de prix.

Tönnies avec sa filiale APK Don est en Russie le numéro 11 de la viande porcine avec 112 700 t. Les 12 implantations Tönnies comptent 30 000 truies avec engraissement annexe. Cette filiale comprend également une station d’aliment du bétail et une grande exploitation de cultures. Les implantations sont du côté de Belgorod et de Voronej, au sud-ouest de Moscou, haut lieu de la production porcine russe. La totalité de l’entreprise Tönnies en Russie est chiffré à un prix de 290 Mio $.

La vente est un peu surprenante quand même, si l’on considère « l’amitié entre hommes » affichées entre Poutine et Clemens Tönnies, amitié de 20 ans scellée notamment par un gros contrat de sponsoring de Gazprom en faveur de l’équipe de foot du FC Schalke 04, dont Clemens Tönnies a été longtemps le président – on se souvient que Clemens a dû quitter de manière peu glorieuse cette présidence après une tempête d’accusations concernant l’épidémie de Covid 19 qui a sévi dans ses usines et parmi ses salariés détachés. En dépit de cela, Gazprom a maintenu jusqu’à ce jour son soutien au FC Schalke 04.

La décision de Tönnies est moins surprenante si on regarde l’évolution récente dans le secteur porcin russe. Le groupe allemand a commencé à investir dans les régions de Belgorod et Voronej, quand la Russie passait encore pour l’Eldorado de la production porcine, après l’effondrement soviétique. Il fallait importer pour satisfaire les consommateurs russes, et Tönnies était l’un des plus importants fournisseurs.

Mais les investissements d’abattage et de transformations en Russie, prévus et annoncés régulièrement, n’ont pas été entrepris, le marché devenant rapidement plus difficile. Selon les indications de la Fédération russe des producteurs de porcs, ceux-ci ont connu des conditions de marché acceptable jusqu’en 2018, mais pas ensuite. Pour l’année en cours on attend encore une augmentation de 5 à 6 % de la production, et les entreprises russes cherchent désespérément à exporter, notamment vers l’Asie, malgré des échecs répétés.

En Russie, la peste porcine africaine est endémique et réapparait régulièrement, y compris dans des exploitations importantes. Elle empêche pratiquement les exportations de viande porcines de grande envergure. Le pays a tout de même exporté 180 000 t de viandes de porcs l’année dernière, et devrait atteindre les 200.000 t cette année. Les experts soulignent les risques de surproduction depuis un certain temps. Au premier semestre 2020, les prix du commerce de gros de viandes de porcs ont chuté de -20 %, au second semestre.

L’inflation a remis les prix à peu près au niveau de 20219, mais tous les grands de la production se plaignent d’une augmentation des couts de plus de 20 %. Une chute des prix sévère est annoncée pour 2021/2022.

Dans ce contexte, il est donc moins surprenant que Tönnies quitte le navire. Pour se replier uniquement sur le marché intérieur européen ? L’expédition en Russie a aussi fait partie du contentieux familial dans le groupe allemand, et a servi à évincer un manager accusé d’être trop proche de Clemens par le neveu Robert.

Ailleurs dans le monde, le groupe Tönnies maintient sa collaboration avec Dekon Group en Chine dans la région de Sichuan, où il s’agit de construire un abattoir-découpe pour abattre 2 Mio de porcs. En Espagne, Tönnies investit à Calamocha en Aragon, pour transformer 10 000 porcs par jour. Les travaux devraient commencer fin de l’année et finir début 2024. Le groupe Tönnies est implanté au Danemark, en Grande-Bretagne, en France (siège à Lille), et en Pologne, mais considère que l’Allemagne restera son marché principal.

Ce retrait de Russie de Tönnies soulève beaucoup de questions : on doit bien constater que dans le lait, l’affaire Ekosem-Stefan Dürr présente quelques ressemblances ; par ailleurs en Chine, le redressement porcin est du même type que le russe, mais en plus puissant encore. Le tout a des répercussions, surtout sur l’Espagne très dépendante des importations chinoises, et par conséquent sur tout le marché intérieur UE.

«Dix-Grands » de la production porcine russe (tonnage annuel en vif)

Miratorg                                     522.300

Velikoluksky                               307.900

RusAgro                                    307.700

Cherkisovo                                306.600

Agropromkoplektatsiya             257.500

Agro-Belogory                           250.100

Sibagro JSC                              237.500

AgroEco                                    226.700

RBPI/CPF                                 129.200

APK Don                                   112.700

Articles classés

Rédacteur en chef

francois landrieu

François Landrieu

Fondateur de Socopag

Visiteurs en ligne

Il y a 1715 invités et aucun membre en ligne