biorayonDans un passé encore récent, on a mis en question les qualités intrinsèques des produits bios, puis les avantages en matière de résidus de pesticides. Mais aujourd'hui le débat sur le bio  est en train de se modifier. De plus en plus souvent ce sont les coûts et l’utilité du bio dans la sécurisation de l’alimentation mondiale, ou son apport réel à l’environnement et à la protection du climat qui font débat.

Trois constats :

- Au dernier Conseil des ministres européens de l’agriculture, les ministres ont approuvé le plan d’action bio de la Commission européenne, avec d’énormes prudences. Presque tous les ministres ont salué l’orientation de la production bio par les marchés dans ce plan. C’est nouveau ! Il faut d’abord assurer une demande suffisante en produits bios, avant d’envisager une reconversion de grand style de surfaces agricoles utiles, et aborder l’agriculture bio sans idéologie. Il faut que les produits bios soient achetés, pour que les producteurs bios puissent gagner de l’argent. Les ministres sont encore plus prudents quant à l’objectif de 25 % de la surface agricole en bio d’ici 2030. Si jamais ce chiffre devait être retenu, il ne pourrait s’agir que d’une moyenne UE.


- En Suisse, pays du bio s’il en est un, pour beaucoup de consommateurs le bio est trop cher, selon une étude récente. La distribution a augmenté son chiffre d’affaires bio ces dernières années, mais dans leur majorité, les consommateurs ne sont pas prêts à mettre plus pour des produits bios. Selon le grand journal NNZ, Neue Zürcher Zeitung, 4 consommateurs sur 5 reconnaissent une influence de la durabilité sur leurs habitudes de consommation, mais sont des plus réservés pour ouvrir beaucoup plus leur portemonnaie.

Sur 10 Frs de produits, la moitié des consommateurs paieraient 2 Frs de plus pour une alternative durable, mais à 3 Frs de plus, la majorité considère que c’est beaucoup trop. NNZ cite une enquête représentative de Deloitte, qu’il s’apprête à publier. Selon les services du ministère helvétique de l’agriculture, en moyenne toutes catégories, les productions bios coutent 48% de plus que les produits classiques, pour le lait bio c’est 1/3 de plus, et pour les légumes +77 %. NNZ constate que les produits bios sont plus chers en même temps que les rendements sont plus faibles. La protection douanière vient en plus renchérir ces produits.

Le journal aborde également la question des marges de la distribution. STS, l’organisation suisse de protection des animaux, dénonce le fait que la distribution maintienne sciemment les produits bio dans une niche de luxe. Nous critiquons, dit-elle, que les prix des produits bios ne soient pas établis à partir de leurs couts véritables mais selon des possibilités des paiements que l’on peut exploiter sur les marchés. La distribution n’admet pas qu’elle applique plus de marges sur les bios, mais NNZ rétorque que les bios sont rentables pour la distribution, même sans augmenter le taux de marge, car avec un prix final plus élevé, il reste plus à la fin.

- En Allemagne, une interview du Pr Dr Herbert Ströbel, économiste, ex-doyen de l’Ecole Supérieur de Weihenstephan-Triesdorf, qui participé à de nombreux projets agricoles internationaux, a provoqué énormément de remous avec son concentré de critiques.
Il dit en résumé : on fait fausse route, il ne faut pas faire plus d’agriculture bio, mais écologiser plus l’agriculture conventionnelle.

Les assolements bios n’apportent que 50 % des rendements. Chaque tonne en rendement bio, a un bilan d’énergie et un bilan d’émissions défavorables, et provoque également plus de lessivage de nitrates en diminuant à long terme le teneur en élément nutritifs des sols. La durabilité des rendements est ainsi mise en cause.
Les couts de production sont du double, et provoquent des couts sociaux additionnels par leurs besoins de plus de surfaces. Ce sont des inconvénients qui restent, même si nous réduisons la consommation de viandes ou les déchets.

La nécessité de plus de surfaces est un problème, aussi bien pour le climat que pour la biodiversité. Les productions bios émettent plus à la tonne produite, même avec un peu moins d’émission de CO2 à l’hectare. Il faut importer les volumes manquants avec des transports polluants.

La production bio est subventionnée au double de l’agriculture courante. C’est devenu populaire et électoral, mais c’est à se demander si les politiques sont conscients qu’à la fois on exporte les problèmes écologiques, et que l’on détruit l’agriculture productive. Il faudrait utiliser tous ces moyens pour écologiser l’agriculture existante en développant les programmes favorables au climat et à la biodiversité.  AM

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François Landrieu

Fondateur de Socopag

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