Requiem paysan pour Angela M.

 

merkel 19Contrairement à ce que proclament certains éditorialistes internationaux, Angela Merkel n’a jamais été la femme la plus puissante du monde.

Et maintenant moins que jamais. La politique allemande est tellement complexe sur le plan intérieur qu’elle a toujours dû se garder à gauche et à droite, et se méfier de son propre camp.

Finalement, quand on regarde les choses d’un peu près, elle a surtout laissé le secteur industriel et financier allemand gouverner réellement le pays, en reportant autant qu’elle le pouvait à plus tard les autres problèmes.

A l’approche de son départ, tout le monde gronde et montre les dents, y compris dans les rangs de son propre parti.

Dans les milieux agricoles, l’atmosphère est étouffante. Les gros bataillons agricoles sont certes des troupes en principe fidèles aux chrétiens démocrates CDU/CSU, mais la constante augmentation des contraintes qui s’exercent sur l’agriculture commence à lézarder le bel édifice.

Les oppositions agricoles existent certes de longue date. Mais ce n’était pas au degré hautement émotionnel actuel, en convoquant à ce point une opinion publique chauffée à blanc. Les grands contre les petits, les conventionnels contre les bio, l’agriculture paysanne contre l’agriculture industrielle, les globalistes contre les régionalistes etc.

En Allemagne le débat public sur l’agriculture est dominé par la « planète verte ». Celle-ci est constituée de tous ceux qui rejettent l’agriculture moderne et orientent les débats vers un passé à conserver, et non un avenir à préparer. Ils dictent actuellement ce qui doit être en débat, dénigrent, caricaturent, amplifient à l’excès. Ils parviennent ainsi à imprégner la société d’oppositions aux élevages dits de masse, aux monocultures, à la disparition d’une civilisation paysanne idéalisé et de ses traditions, aux OGM et assimilés, aux engrais et pesticides.

A l’initiative de ces manœuvres : des partis politiques, des médias, des églises, des ONG, des organisations de consommateurs et des activistes de tous poils et motivations. Tous ces agitateurs ont désormais acquis une technicité élevée dans la communication. Le public de vue subit ces bombardements idéologiques, et perd de vue toute perspective économique et de sécurité alimentaire, sans même percevoir qu’on est en train de lui imposer une façon de vivre.
Qu’en disent les responsables politiques ? Ils suivent et poursuivent leurs électeurs, en accumulant petites lâchetés et discrets renoncements. Ils décident et votent des contraintes de plus en plus lourdes qui exaspèrent les agriculteurs. Et qui poussent leurs organisations à la division, ce qu’on avait encore peu constaté auparavant.

Pour essayer de sortir de ce climat, on préconise maintenant la recherche d’un « nouveau contrat social », ou du moins d’un nouveau contrat entre société et agriculture – les Allemands découvrent ces acrobatiques spéculations qui ne font plus rire personne en France depuis le ministère Glavany.

Questions : ce ou ces contrats, qui sont ceux qui devraient les signer ? On y réfléchit dans de grandes commissions dites « non politiques » On a vu ainsi apparaitre la « commission pour l’Avenir de l’agriculture », où la chancelière est apparue. Une trentaine de personnes de divers horizons réfléchissent. Pas pour les 7 ans qui viennent, ceux de l’application de la PAC réformée, non, pour le « très long terme ». Elle est composée en majorité de gens qu’on voit depuis longtemps sur la scène agricole et dont on n’attend pas de traits de génie.

Les premiers claquages de portes ont déjà eu lieu, et tout le secteur vert-bio se prépare à faire la même chose. Les militants écologistes se comportent ainsi dans toutes les commissions de ce type, dès lors qu’un résultat de compromis se dessine. Ils ont besoin de rester à part, pour leurs financements, leurs poids dans la société et leur influence politique. On ne peut donc attendre que des généralités de cette commission de l’avenir agricole présidée occasionnellement par la chancelière, et des déceptions accrues chez les agriculteurs.

On a vu naitre aussi la « commission Borchert » (du nom de l’ancien ministre de l’agriculture qui, à 80 ans passés, réapparait dans les débats) pour la reconversion des élevages vers plus de bien-être animal à échéance de 2040. C’est sans doute un problème devenu central de l’agriculture allemande. Mais cette commission soulève le scepticisme à cause de ses bases fragiles, et des problèmes de financement de ses décisions – Borchert a suggéré une taxe de 0,40 €/kg viande, ce qui fait bondir les professionnels. Car on ne voit pas les consommateurs allemands payer pour la reconversion des élevages, ni les activistes des mouvements anti-élevages arrêter leurs actions.

Ce sera donc au pouvoir politique de décider. Et celui-ci court vers l’échec s’il reporte sans cesse ses décisions. En matière agricole, ce fut le cas récemment avec les retards pris dans les règles de fumures, dans l’application de la directive FFH, dans le forfait TVA, dans les organisations du contrôle alimentaire etc.
Une politique de réforme se fait à pas successifs, et non à coup de plans abrupts de rattrapage. Angela Merkel, toute femme puissante qu’elle fût, y a un peu échoué. AM-FL

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François Landrieu

Fondateur de Socopag

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