Après la récolte de blé tendre 2019, quasi record avec 39,5 Mt, celle de 2020, environ 31,3 Mt, sera l’une des plus basses depuis 20 ans, à peine supérieure à celles de 2004 (29 Mt) et de 2017 ( 27,6 Mt).
Ce recul important s’explique par une baisse des surfaces emblavées et des rendements, dont la moyenne nationale tombe de 79,1 à 71,1 qx/ha, conséquence des mauvaises conditions climatiques à l’automne et au printemps derniers. Aussi, et en dépit d’un stock de départ conséquent, les ressources du marché pour la nouvelle campagne sont prévues à 31,9 Mt contre 39,1 Mt pour la dernière.
Avec un tel écart de disponibilités, la gestion du marché va se poser dans des conditions très différentes. En 2019/2020 ont avait frôlé la pléthore. Il n’y eut qu’abondance grâce à un record historique des exportations vers les pays tiers : on attend encore les chiffres définitifs des Douanes, mais on va frôler les 13,6 Mt, soit + 40 % sur la précédente campagne. PG
Ainsi, la France s’est-elle affirmée comme le premier exportateur de l’Union Européenne vers les pays tiers, devant la Roumanie, avec 37 % des 34,6 Mt d’exports communautaires.
Le dynamisme des exportateurs français s’est exprimé vers nos clients traditionnels (Algérie, Maroc, Afrique de l’Ouest, Cuba…), mais il faut aussi saluer le retour de l’Egypte, avec plus de 2 Mt chargées. Et surtout l’ouverture du débouché chinois, parti de rien et atteignant 1,5 Mt en fin de campagne. On notera au passage que la Chine a aussi grandement participé au dégagement des stocks français d’orge.
Pour la nouvelle campagne, avec des disponibilités plus faibles, il ne sera pas nécessaire de chercher à battre des records de vente pays tiers pour assurer un stock outil de report équilibré autour de 2,6 Mt, selon les premiers bilans prévisionnels de FranceAgriMer (1). On estime que 7,75 Mt d’exportation devraient suffire, soit un recul de -43 % sur 2019/2020.
Mais voir les choses sous cet angle, ce serait considérer l’exportation comme une simple variable d’ajustement, alors que le maintien d’un chiffre important et régulier doit constituer une stratégie majeure pour le blé français. Car si la production communautaire s’annonce très moyenne et la récolte française faible, la moisson mondiale va, elle, sans doute rejoindre les sommets. Les grand exportateurs mondiaux, à commencer par les Russes, seront prêts à prendre les marchés abandonnés par les Français faute de disponible exportable. Et l’on sait combien un courant commercial perdu est dur à remonter.
C’est l’un des risques de ces variations brutales de récolte. Sans doute sont-elles souvent le fait des caprices de la nature. Mais pas seulement, et le choix de l’homme semble intervenir de manière inquiétante ; avec 4,4 millions d’hectares, les surfaces consacrées au blé tendre dans l’Hexagone sont, pour cette campagne, en recul de 8 % sur la précédente, atteignant leur plus bas niveau depuis 2003. Cette baisse de 8 % se retrouve également au niveau de la dernière moyenne quinquennale.
Les exportations françaises de céréales ont laissé, l’an dernier, un solde positif de 6,2 Mrds € pour un excédent agro-alimentaire global de 7,9 Mrds. Il y a là un potentiel à préserver, dans les bonnes comme dans les moins bonnes années. Les contraintes commerciales sont bien réelles, mais certains de nos concurrents internationaux mènent depuis quelques années des politiques à long terme de conquêtes des marchés que les opérateurs français, et européens, devraient sans doute mieux anticiper.
Pierre Gautron
________________________________
(1) Les chiffres figurant ci-dessus proviennent de bilans prévisionnels du ministère et de FranceAgrimer. Ils seront sensiblement modifiés dans les prochains mois, mais ils indiquent déjà les grandes tendances de la nouvelle campagne.