Après une période de 30 ans de croissance asymptotique, la filière porcine commence à buter sur différents obstacles. Il y a d’abord que les oppositions à cette croissance sans frein se multiplient, de la part des organismes de protection de la nature et des animaux, mais également de la part de la société en général, et même des politiques qui préparent de nouvelles règles. Les méga élevages sont dans le viseur.
On rappellera quelques chiffres. Le cheptel porcin espagnol est passé en 30 ans de 15 Mio à 30 Mio d’animaux, dont une augmentation de +5 Mio de porcs durant les 6 dernières années. Cette production représente désormais 20 % de la production porcine UE. L’Espagne est n°1 de la production européenne avec 4,5 Mio t de viandes de porcs/an. Elle est n°4 mondial de la production porcine. Le chiffre d’affaires viandes porcines est de 26 Mrds €, ce qui représente 22% du chiffre d’affaires de l’industrie alimentaire espagnole, et 2 % du PIB espagnol.
La production porcine se concentre dans le Nord-Est espagnol : Catalogne 24 %, Aragon 26 %, et Castille-Leon 13,3 % de la production porcine totale espagnole. Ces provinces constituent une véritable « ceinture d’élevages porcins », avec de très hautes densités de population porcine.
- Les élevages dans la catégorie 2 800 truies ou 7 000 places d’engraissements ont augmenté de +51 % en onze ans ;
- les élevages 1 200 truies ou 7 000 places d’engraissements ont augmenté de +16 %.
- les élevages jusqu’à 400 truies ou 1 000 places d’engraissement ont diminué de -25 %.
- dans les moins de 100 porcs, la diminution est de -47 %.
Il y a actuellement 47 000 élevages intensifs de porcs, à quoi il faut ajouter 40 000 élevages divers : élevages aux glands de chênes, élevages en liberté, bios etc. Ces derniers se trouvent surtout en Extremadura, en Andalousie et en Galicie
Les Espagnols travaillent en production intégrée depuis les années 60, en liaison soit avec l’aliment du bétail soit l’abattage découpe. Ainsi, 65 % de la production porcine est intégrée. Les 20 plus grandes entreprises font les 2/3 du marché, 17 % sont en coopération, et les élevages indépendants ne sont plus que 18 %.
Trois quarts de la production de viande de porcs proviennent d’élevages intégrés. Ce modèle d’intégration est considéré comme la base du succès espagnol. Il faut y ajouter l’implantation des porcheries en arrière-pays, moins peuplés que les régions côtières. Les autorisations constructions y sont plus facilement et rapidement obtenues. L’espacement des porcheries est plus grand. Selon le ministère madrilène de l’agriculture, les éleveurs espagnols produisent à 1,35 €/kg abattu, avec des coûts de construction de 200 € par place d’engraissement, ou1 500 € par place de truie. Ils ont peu de frais d’énergie, et de faibles couts pour placer le lisier.
Beaucoup d’experts voient cependant de gros nuages s’amonceler. La protection de la nature et des animaux progresse de jour en jour, et le harcèlement des éleveurs avec. Actuellement ce sont les méga-élevages qui sont fortement attaqués.
La critique porte aussi sur l’utilisation massive d’eau, alors qu’il faut approvisionner en eau la population à partir de canaux en provenance des Pyrénées en Catalogne et en Aragon. Autre point attaqué, l’Espagne doit importer plus 50% de l’alimentation animale et des éléments nutritifs, pour finir par polluer les terres locales.
Dans les milieux politiques on admet, encore à mots couverts, que la croissance sans freins de la production porcine doit finir et l’on parle de croissance responsable, ou maitrisée, mieux acceptée par la société. Mais pour le moment les Espagnols restent en retrait en ce qui concerne bien-être animal.
Au ministère de l’agriculture à Madrid on prépare une loi cadre, dont le projet chemine au gré des aléas politiques. Elle se réfère à une porcherie idéale pour l’avenir. Ce que l’on en sait, c’est qu’elle prévoit un plafonnement en UGB des élevages de porcs, des distances plus grandes entre porcheries, beaucoup plus de contraintes de biosécurité, une réduction drastique des émissions d’azote, des contrainte nouvelles de gestion du lisier, ainsi que des contrôles plus stricts.
En Espagne, l’inquiétude majeure est liée à la dépendance de la production porcine aux exportations vers la Chine, dont les évoultions sont suivies avec inquiétude. L’autosuffisance espagnole en viande porcine est passée depuis le début de ce siècle de 114 % à 180 %. Les exportations de viande porcines ont battu tous lers records avec 2,2 Mio t l’année dernière, soit un doublement en 10 ans La moitié des exportations va en UE : France, Italie, Portugal, mais ces volumes sont en baisse. Les exportations en pays tiers augmentent très fortement.
La Chine a acheté 300 000 t de viandes de porcs espagnoles l’année passée. Ce volume passera au double cette année, car les achats chinois avaient déjà atteint 260 000 t au premier semestre 2019. Mais il faut bien anticiper le fait qu’un jour ou l’autre, la Chine maitrisera son épidémie de peste porcine et progressera à nouveau dans sa production. Les conséquences seront graves pour les producteurs espagnols, car les montagnes de viandes qui resteront ne seront pas consommées par les touristes. Les Espagnols ont très peur également de l’avancée de la peste porcine africaine en Europe, qui peut devenir fatale pour leurs exportations. AM