Cette fois, ce n’est plus du bas-bruit ou des chuchotements de restructuration : le carrousel est lancé et prend de la vitesse.
D’abord, on commence par les managers : Agravis, le n°2 des « grands » du secteur, a vu récemment des changements rapides de président et d’administrateurs. Ensuite on liquide : Thomas Trump a cessé son activité de négoce, Alfons Mosel aussi, et Mackprang aussi, et des plus petites entreprises. A noter récemment le départ de Markus Grimm qui, pendant 20 ans, a été à la tête de la coopérative HaGe Kiel.
L’ambiance dans le métier est détestable et l’Agence anticartel ne fait rien pour améliorer les choses : elle soupçonne maintenant une entente sur les prix des produits de traitement et va demander des comptes.
Ajoutons que les prévisions sont toutes assez pessimistes, pronostiquant pour ce secteur d’activité dans les années qui viennent non seulement des marges faibles, mais aussi des petits soucis comme la nouvelle concurrence online, les inévitables restructurations… et bien sûr la mise à feu du siège éjectable dans les étages de direction.
Dans ce contexte, on apprend sans plaisir extrême la création d’un nouveau concurrent, une société commune de commercialisation entre la CAC de Colmar dans le Haut-Rhin, et la ZG Raiffeisen Karlsruhe, deux poids moyens dans leurs secteurs mais qui à eux deux vont peser un peu plus lourd.
Les trois grands du secteur : Baywa Munich, ATR Landhandel Ratzeburg et Getreide AG Hambourg, réunissent leurs forces dans une plateforme online de commercialisation, qui fera ses essais, en blé et orge dès cette récolte. Ils veulent réagir à la faiblesse des marges, en intégrant des frais logistiques et de gestion, et pour faire face à la digitalisation croissante en agriculture et parmi les clients de produits bruts agricoles. La plateforme est dite ouverte, avec vue sur une future européanisation. Fini « d’îloter ».
Cette initiative et la souscription de 500 Mio € de Green Bonds attisent les critiques qui circulent depuis un certain temps concernant la stratégie de Baywa, mais aussi celle des autres grands du secteur. Ce demi-milliard, destiné à développer chez Baywa l’énergie solaire et éolienne, est aussi soupçonné d’être une ancre de sauvetage.
Dans l’entourage de Baywa on parle ouvertement de restructurations sévères en perspective. On reproche à ce groupe, comme à d’autre coopératives, de ne plus s’intéresser à l’agriculture locale. Elles rêvent d’internationalisation, car leurs marges sont trop faibles sur les marchés domestiques. Klaus Lutz, le patron de Baywa, engage maintenant la société dans des activités comme les fruits de Nouvelle-Zélande, les raisins du Pérou, les tomates à Abou Dhabi et les avocats en Afrique du Sud. Sans parler des préparations aux fruits pour laiteries, en Chine, à travers sa filiale autrichienne.
L’adhérent de base de toutes ces grosses coopératives ne suit plus et commence à grommeler. Certains haussent même le ton et mettent en cause la faiblesse des capitaux propres et l’endettement élevé, plus élevé même que dans la présentation officielle des bilans, disent les critiques les plus hardis.
La crise de nerf, on le sent, n’est pas loin. Elle pourrait faire plus de dégâts qu’on le soupçonne aujourd’hui. AM