Le salon Biofach 2019 qui s’est tenu à Nüremberg du 13 au 16 février dernier a recensé plus de 2.900 exposants et 50.000 visiteurs venus de 129 pays, ce qui en fait la manifestation mondiale de pointe de ce secteur des produits bios.
En Allemagne même, le nombre d’exploitations agricoles bios a augmenté de +6% en 2018, et les surfaces exploitées ont progressé de +8%. Cette évolution positive est intéressante mais il est clair que ce qui attire l’attention des observateurs est la forte implication des grands distributeurs dans cette nouvelle filière, à l’exemple de Lidl avec Bioland et de Kaufland avec Demeter.
La question brule maintenant les lèvres de tout le monde : quelles vont être les conséquences de cette main-mise de la grande distribution sur les débouchés des productions bios et, par un inévitable ricochet, sur les producteurs bios aux mêmes ? Or de l’avis général, il est à craindre que les effets ne soient pas si positifs que cela !
Les exploitations bios familiales les plus petites, celles qui sont éloignées des marchés directs en premier, risquent fort de connaitre des pertes de prix et de débouchés. Cela ne fera qu’accélérer la restructuration, disent les experts qui n’ont d’ailleurs pas besoin d’être experts pour dire ça.
Les discounters ont certes promis qu’ils honoreraient le travail de producteurs bios, mais on ne se refait pas comme ça et il n’a pas fallu attendre longtemps pour voir de fortes pressions à la baisse s’exercer sur les produits bios du fait des grands acheteurs. Et la différence de prix qui existe déjà entre d’une part les produits bios offerts par la vente à la ferme, des magasins coopératifs locaux ou des commerces spécialisés, et d’autre part les offres de discounters ne fera que croitre, comme ce fut le cas pendant les décennies passées pour les produits issus de l’agriculture conventionnelle. Les exploitations bios ne peuvent essayer d’y échapper que par rationalisations et croissance. Donc, il y a bien une inéluctable et sans doute assez forte restructuration du secteur en perspective.
De leur côté, les exploitations bios proches des villes, avec leurs magasins de vente, peuvent plus facilement fidéliser des consommateurs urbains, au pouvoir d’achat plus élevé, et ils ne subiront pas autant les pressions de prix que leurs collègues bios plus éloignés de ces débouchés directs.
Dans ces régions plus rurales, les consommateurs bios sont plus rares. Les producteurs bios de ces régions éloignées subiront les prix en baisse, les pertes de clients et de chiffre d’affaires. Ils ne pourront survivre que par augmentation des volumes produits, et avec plus d’efficacité économique. C’est bien la question de restructuration que pose ces entrées des groupements bios dans le discount. Or c’est exactement le mécanisme auquel nombre d’exploitants qui ont opté pour le bio ont voulu échapper.
Bref, le loup est entré à pas de loup dans la bergerie revêtu d’une aimable peau de bon client et de débouché heureux. Mais le loup a faim, c’est sa nature, et ça sent bon la chair fraiche… AM-FL