La ministre Julia Klöckner commence à perdre patience face aux partenaires de la filière : ou bien vous vous mettez d’accord rapidement, ou bien le gouvernement imposera ses décisions.
La ministre de l’agriculture veut une position commune pour l’automne à venir, faute de quoi elle décidera librement de l’application de l’article 148 du règlement commun européen des marchés, concernant les possibilités en matière de contrats de livraison de lait aux laiteries, les prix, les quantités livrables à fixer, et l’organisation de la branche.
Cette prise de position de la ministre ne fait que traduire la perte de patience des politiques au pouvoir, devant des positions divergentes aussi bien au sein des organisations professionnelles, DBV, Coopération, BDM et AbL, que dans les laiteries, entre coopératives et laiteries privées, entre Nord et Sud de l’Allemagne, entre laiteries à marques de produits laitiers et laiteries surtout productrices de beurre et de poudre. Sans parler des partis politiques.
Quant au très influent Institut de recherches von Thünen, il vient d’entrer dans le débat en rendant public un avis sous le titre qui se voudrait lisse « Comment les producteurs de lait peuvent ils se protéger contre les variations du prix du lait ».
Mais pour ces très sérieux analystes, le constat est sévère : le prix du lait « fait le grand 8 ». En 2013 les producteurs étaient payés 42,3 cts le litre, en 2016 seulement 22,8 cts, et en 2018 à nouveau 35,3 cts. Cela fait de la production laitière une affaire risquée.
Que peut-on faire contre ? Von Thünen examine des options souvent discutées. AM
Il s’agit en premier lieu de l’augmentation du prix du lait. Elle peut être atteinte si le lait est plus cher sur le marché mondial, ou si le niveau de prix européen est détaché du prix mondial. Pour cela, il faudrait des réductions drastiques de production européenne de lait. La tentative d’augmenter les prix mondiaux par une réduction de la production UE provoquerait immédiatement des réactions sur les marchés de la part d’autres pays. Il serait lucratif pour les producteurs de ces pays d’augmenter les volumes de lait. Ce serait donc un effet de très courte durée.
Détacher le niveau de prix européen du niveau de prix mondial ne serait possible que si l’UE passait d’exportatrice nette à importatrice nette de lait et de produits laitiers. Cela suppose à nouveau d’importantes limitations de productions. Dans les conditions actuelles des marchés et des structures de production de lait, ce n’est pas réaliste.
Une autre proposition est de partager les risques sur plusieurs épaules au sein du secteur laitier, ce qui parait plus conforme au but recherché. Il est important de rappeler qu’environ 2/3 du lait brut allemand passe en transformation par des coopératives, et 1/3 par des laiteries privées.
Les coopératives n’ont donc pas seulement une part importante du marché, mais également une part importante de responsabilités dans ce marché, même si les diminutions de prix des dernières années ont touché tous les acteurs du marché. Mais il est visible que les risque du marché et des prix sont très inégalement répartis. Si les prix du lait chutent, cela peut entrainer chez les producteurs des difficultés de liquidités et menacer leur existence professionnelle.
Les risques du marché et des prix seraient plus équitablement répartis, si les coopératives entreprenaient deux modifications :
- en premier lieu qu’elles modifient leur méthode de calcul des prix, en prenant comme base la valeur du lait brut au moment de la livraison, et non au moment de la vente du produit transformé ;
- il faudrait ensuite « flexibiliser » leur règle de garantie d’acceptation du lait, et l’adapter aux conditions actuelles du marché.
Sur la base de cette garantie, les coopératives doivent accepter actuellement tout le lait de leurs membres coopérateurs. Et ce, même si le produit transformé issu de ce lait n’a pas de marché réel. La conséquence en est une pression sur les marchés et des prix en chute.
Les deux adaptations conduiraient à ce que le prix du lait remplisse à nouveau sa mission centrale d’informer sur la situation donnée et réelle du marché. Sur cette base les producteurs pourraient prendre des décisions de production conformes aux situations des marchés. Pour les deux modifications, il faudrait revoir les statuts et les modalités de livraisons.
Les risques de prix seraient en outre plus faibles si les producteurs, ou les coopératives, s’assuraient un prix au marché à terme. Cette possibilité n’est pas suffisamment utilisée, soit parce que l’on ne fait pas confiance à la bourse, ou que c’est cher, ou encore que l’on n’en perçoive pas la nécessité.
Cela conduit à la conclusion : ou bien la pression n’est pas encore suffisante, ou bien il n’y a pas de majorité pour ces décisions.
Mais l’Institut de recherches est d’avis que ces modifications viendront de toute façon, car le pouvoir politique perd visiblement confiance dans la capacité d’autorégulation du secteur.
Bref, les acteurs de ce marché ont encore des chances de décider pour eux-mêmes, mais ils ne devraient plus différer des décisions que la ministre et le gouvernement sont désormais disposés à leur imposer. AM