La ministre allemande de l'Agriculture Julia Klöckner vient de présenter les critères retenus pour le label étatique de bien-être animal « Tierwohl ». Immédiatement, un déferlement de critiques s’est abattu sur elle et sur son projet.
Ce label d’Etat, facultatif, serait à trois niveaux d’étiquetage. Il concerne tout d’abord les porcs, plus tard il y aura des critères pour la volaille, et ensuite pour les bovins. Les critères pour les porcs sont en gros les suivants +20 % de place par rapport aux obligations légales, au premier niveau, + 47 % au second niveau, et +91 % au troisième niveau. Pour ce dernier, un parcours extérieur doit être prévu pour les animaux de plus de 30 kg. D’autre critères concernent la lumière, le microclimat, la protection des porcelets, la castration, le transport etc.
Ces détails ne sont pour le moment pas les plus importants, car les discussions vont continuer, et il est à prévoir que les Länder et le Bundesrat s’en mêleront aux côtés de tant d’organisations, agricoles, de consommateurs, et de protecteurs divers. Les uns trouvent les propositions sont trop dures, surtout au niveau 1 qui risquerait à terme de se transformer en minimum légal ; les autres parlent d’une « blague ». Les bios pestent pour ne pas se voir attribuer dans ces propositions, une classe particulière à faire valoir, la plus élevée !
Ce projet de label d’Etat Tierwohl, est un des points clés inscrits dans le programme agricole de gouvernement de la coalition au pouvoir. Dès la discussion de ce programme, Klöckner en avait fait son projet-phare. Mais les premières propositions datent de 2015, et son prédécesseur Schmidt au BMEL avait fini par en faire une arlésienne. Klöckner a inscrit 70 Mio € dans son budget mais uniquement pour populariser le label, les couts supplémentaires d’investissements pour les agriculteurs doivent se financer par les prix du marché. AM
Ce label est considéré comme inutile, et même comme néfaste, dans beaucoup de prises de positions. Ce qui est surtout critiqué c’est le caractère facultatif de ce label de l’Etat. L’Etat ne devrait régler que ce qui doit l’être. Il y a, ou il n’y a pas, de situations inacceptables. Il faut donc agir par le droit de la protection des animaux, avec des règles clairement établies, et laisser le reste à la société…
Tierwohl vient trop tard, disent aussi ses adversaires, car d’autres labels ont été lancés. Ce label est aussi vu comme une incitation à quitter le schéma ITW, Initiative Tierwohl, qui prélève une participation sur les ventes de viandes pour financer les investissements d’amélioration dans les élevages. L’Etat est en retard. Combien de temps la distribution resterait-elle dans un système de prélèvement sur les prix de vente, si elle peut bénéficier d’un autre, financé par le contribuable ?
La ministre est condamnée à réussir, sa réputation en dépend. C’est aussi un dossier important pour les pays voisins, car il s’agit du plus grand marché de consommation européen, avec une fonction de signal pour les autres. Le Commissaire européen à la Santé et à la Sécurité alimentaire, le lituanien Vytenis Andriukaitis (68 ans) a déclaré à la Semaine Verte de Berlin que ce label allemand constituerait pour lui une référence.
Le financement n’est absolument pas réglé. Dans l’état actuel des discussions, les éleveurs devraient en fait, financer en avance les améliorations, et attendre un hypothétique retour sur les prix. Au ministère BMEL même, on admet un surcout de 10 à12 € par porc, rien qu’au niveau « 1 » du label. On sait par ailleurs, selon certaines études faites en Allemagne, que seuls 16 % des consommateurs ont préféré au comptoir la viande Tierwohl à la viande courante, et encore dans des conditions favorables.
Il est naïf de croire que les changements dans les élevages se financeront exclusivement par les prix à la consommation. Les travaux nécessaires, de construction par exemple, faut-il encore en obtenir les autorisations, dans un climat de contestations des élevages, soutenu déjà au gouvernement, par la collègue SPD à l’environnement. Le financement, et ces autorisations, passeront obligatoirement à travers les Länder et leur chambre, le Bundesrat.
Et pour compliquer encore, un conseil consultatif du ministère BMEL a chiffré la reconversion complète des élevages en Allemagne à un cout situé entre 3 et 5 Mrds €.
Klöckner n’est pas au bout de ses peines… Elle est ministre de l’agriculture d’un pays dans lequel le développement des élevages bute contre des barrières sociétales et politiques encore plus élevées qu’ailleurs. Après de mois de présence médiatiques réussie, elle engage cette course de fond dans des conditions particulièrement difficile
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